Artistes, cinéastes et théoriciennes d’origine grecque, installées à Paris depuis 1975, Maria Klonaris et Katerina Thomadaki ont développé une œuvre pluridisciplinaire, prenant racine dans le théâtre et le cinéma expérimental qui n’a eu de cesse d’interroger et subvertir les codes qui pèsent sur les corps et leurs représentations. Dans leur tra- vail précurseur des débats actuels sur le genre et la matérialité des corps, Klonaris/Thomadaki célèbrent la puissance de ce qu’elles appellent des « corps dissidents », c’est-à-dire des corps dont la différence ébranle les systèmes normatifs et déconstruit l’idéologie de la « nature » comme un ordre figé.

Dix ans après la disparition de Maria Klonaris, Katerina Thomadaki revisite et prolonge le Cycle de l’Ange qui trouve son origine dans la photographie médicale d’une personne intersexe qu’elles associent à la figure de l’ange, faisant d’iel « le messager de l’effondrement des limites des sexes ». Dans leurs œuvres, « l’Ange » ne se laisse pas réduire à un objet d’observation pathologisé par le regard médical, mais affirme son caractère multiple et insaisissable. À travers leurs interventions sur cette « image matrice », Klonaris/Thomadaki donnent forme à l’infini des possibles qui s’ouvre lorsque l’on parvient à dépasser le régime binaire de la différence sexuelle. Mais si « l’Ange » acquiert ainsi une dimension emblématique, les artistes expriment également la souffrance éprouvée par ce corps réel, stigmatisé à cause de sa différence.

Le titre de l’exposition insiste sur l’intensité de la relation entre les deux artistes et avec cet « Ange » qui les a pendant si longtemps fascinées. L’extase souligne combien l’expérience amoureuse engendre un débordement du sujet, un dépassement des limites entre soi et l’autre mais aussi entre le masculin et le féminin, l’imaginaire et le tangible. Elle évoque également un état de conscience modifié, la sortie d’un régime perceptif diurne en faveur d’une plongée nocturne dans un univers à la fois politique et poétique.

Une installation conçue par Katerina Thomadaki, dédiée à Maria Klonaris.
Ce projet des artistes Klonaris/Thomadaki bénéficie du soutien de la Fondation des Artistes.