En 2023, fatiguée par la maladie et les traitements contre le cancer, Sylvie Fanchon a exploré un nouveau format, plus petit, moins énergivore que la peinture, pour lequel elle a retrouvé, avec beaucoup plaisir, des jeux plus élémentaires entre fonds et formes. Elle s’est surprise à reconsidérer le dessin pour lui-même, alors que jusqu’ici, il avait le plus souvent été une étape préparatoire pour des peintures, comme l’archive de son processus créatif.

Dans son vocabulaire de formes, elle introduit en 2009, avec la série Les Caractères, des silhouettes typiques et moqueuses de personnages de comics – comme des luney toons avec Daffy Duck ou Bugs Bunny, qui s’allongent ou s’arcboutent sur ces messages en lettres capitales, flottant dans des vastes espaces qu’on pourrait dire vides, vides intersidéraux, vides venteux, vides en feu, selon les jeux des bichromies entre fonds et figures : noir sur rouge ou noir sur jaune ou rouge sur vert… Et plus tard, un personnage fait son apparition, extrait cette fois d’un célèbre comics : Snoopy, le chien philosophe de la famille Peanuts qui passe son temps à se relaxer sur le toit de sa niche, couché sur le dos. Snoopy est un aspirant écrivain, amateur d’art et de soda, il lit Guerre et Paix à raison d’un mot par jour. En clair, Snoopy prend le temps de vivre et le temps de se reposer.

Les derniers Snoopy de Sylvie Fanchon sont ou bien assoupis ou bien inanimés, sans vie peut être. L’un d’eux, Snoopy chéri (2023) (sans e) est allongé sur le ventre, les touffes d’herbe sur fond vert se combinant à son pelage hirsute, il ressemble plus à un rat mort qu’au mignon Snoopy original. Dans le dessin Snoopy chérie, matrice de cette sérigraphie, son corps étendu se mêle avec la ligne du sol tracée par un fine bande de scotch en réserve sur le fond brossé de noir dans ce geste expressionniste cher à Sylvie Fanchon. Il dort ou il est mort, on ne peut pas vraiment le dire, mais le dessin inscrit son corps dans une continuité matérielle avec le décor. Cette « Snoopy chérie » au féminin, c’est une façon d’y mettre un peu d’elle.

Emilie Renard

Juin 2024