Des soleils encore verts
Une exposition en mouvement avec : Léonore Camus-Govoroff, Louis Chaumier, Jérôme Girard, Ninon Hivert, Konstantinos Kyriakopoulos, Maïa Lacoustille, Lucille Leger, Masha Silchenko, Chloé Vanderstraeten
« Des soleils encore verts¹ » est une expérimentation curatoriale pensée par le collectif Champs magnétiques, convoquant le travail de neuf artistes diplômé.es de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. Son titre, emprunté au poème éponyme d’Andrée Chedid, ouvre à de nouveaux imaginaires : les artistes réuni.es s’intéressent à ce qui pourrait advenir, dans et hors du monde. L’exposition donne à voir des formes de résistances et de spiritualités contemporaines, rêve à des futurs alternatifs. Elle regarde vers l’horizon, où se lèvent « des soleils à face insoupçonnée² », encore verts de tous les possibles.
Nous souhaitons que cette exposition s’adapte, se transforme et engendre de nouvelles formes de confrontation aux œuvres. Des soleils encore verts s’inscrit dans les interstices de programmation des lieux qui l’accueillent. L’exposition se développe en plusieurs temps courts. Chacune de ses occupations passagères est pensée comme le fragment d’un tout et se nourrit de ce qui l’a précédée, comme de ce qui advient. Elle déploie sa propre cartographie, s’ancrant temporairement dans des territoires, valorisant l’écoute des lieux, des forces qui s’y expriment et des êtres qui les habitent. Un premier cycle de cette initiative s’inscrit au sein de quatre espaces : Mains d’Œuvres, lieu indépendant de création et de diffusion pour l’imagination artistique et citoyenne ; le CAC Brétigny, Centre d’art contemporain d’intérêt national, dont la structure, marquée par les théories de l’éducation populaire et la co-création, fonctionne comme un espace collectif, chacun.e participant activement à la construction et à l’identité du projet ; Bétonsalon – centre d’art et de recherche qui développe des activités collaboratives autour de l’hospitalité et des manières de faire commun ; et l’association DOC !, lieu autogéré de résidences et d’expositions, pensé par et pour les artistes. Les possibilités d’ancrage dans d’autres institutions ou organisations artistiques restent ouvertes, au fil d’une errance dont la fin n’est pas arrêtée a priori.
« Des soleils encore verts » interroge différentes manières de rêver en et au commun et de penser des refuges. Ces espaces peuvent ouvrir des temps de réconfort, de réconciliation avec soi-même et les autres, mais aussi des instants de perte de repères où survient la possibilité de tout réinventer. Les artistes invité.es à Bétonsalon proposent des espaces d’accueil et d’hospitalité temporaires, invitant à un temps d’arrêt. Masha Silchenko et Léonore Camus-Govoroff réfléchissent à l’intime et au domestique, donnant à ces environnements une dimension collective, celle d’un espace sûr où chacun.e peut s’installer et cohabiter. Lucille Leger fait elle aussi appel à ces notions, considérant ses sculptures hybrides comme des organismes vivants qui interagissent entre espaces intérieur et extérieur. Abordant le cloisonnement désuet de l’art, du design et des objets du quotidien, ses œuvres prennent la forme d’un étrange mobilier, perturbant notre rapport au monde. Chloé Vanderstraeten matérialise des usages dans ses architectures imaginaires, des cités rêvées où surviennent de multiples activités humaines comme « construire », « rêver », « jouer » ou « cultiver ». Ces activités apparaissent aussi dans les travaux de Ninon Hivert qui récolte les traces de notre passage, donnant à voir leurs vestiges. Observatrice du quotidien, elle travaille la céramique pour modeler des vêtements-sculptures à partir d’un répertoire photographique d’objets trouvés. Elle exprime ainsi la présence de corps et de mouvements passés, fixés dans le temps. Dans le travail de Konstantinos Kyriakopoulos, le lit, point de départ d’une réflexion au commun, peut se métamorphoser en abri, en arrêt de bus ou encore en table de jeu. S’en servant comme d’un socle, il crée des structures accueillant le travail d’un.e autre artiste. Son processus est conçu comme un moment de collaboration pour expérimenter les moyens de coexister. Avec Louis Chaumier, ce qui pourrait s’apparenter à du mobilier est, cette fois, dépourvu d’usage, mais mène à une réflexion sur la nécessité de reconfigurer des espaces pour vivre ensemble. Comme le soutient Jacques Derrida dans De l’hospitalité, ce sujet suppose d’en questionner les frontières, « entre le familial et le non-familial, entre l’étranger et le non-étranger, le citoyen et le non-citoyen, mais d’abord entre le privé et le public³ ». Ces abris, où l’on peut se mettre à couvert, autorisent à ralentir le rythme et à accueillir l’autre.
Ce premier cycle d’expositions prend forme sur des terrains fertiles desquels émergent des pratiques artistiques, curatoriales et éditoriales en cours de construction. Développant de nouvelles manières de penser et d’être au monde, nous cherchons la possibilité de l’être ensemble, « un être transitif, un mode d’existence qui fait monde avec d’autres mondes⁴ ». Fort de cette réflexion, de cette errance et gonflé de ses premières racines, notre collectif poursuit sa désorientation.
¹ Andrée Chedid, Textes pour un poème suivi de Poèmes pour un texte 1949-1991, Paris, Poésie / Gallimard, 2020.
² Idem
³ Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris, Calmann-Lévy, 1997, p. 47.
⁴ Josep Rafanell I Orra, Fragmenter le monde, Paris, éditions divergences, 2020, p. 44.
Champs magnétiques
Champs magnétiques est un collectif de jeunes curateur·ices formé par les étudiant·es du master professionnel « L’art contemporain et son exposition » de Sorbonne Université. Il réunit Elizabeth Allen, Sergi Álvarez Riosalido, Lucie Brechette, Lisa Colin, Maria Claudia Gamboa, Magdalena Gemra, Thomas Maestro, Lola Majzels, Violette Morisseau, Léa Pagnier, Marie Plagnol et Tom Rowell.
L’exposition « Des soleils encore verts » bénéficie du soutien des Beaux-arts de Paris, de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, de Sorbonne Université, de la CVEC-Crous de Paris et de la Ville de Paris. L’exposition bénéficie également d’un prêt exceptionnel de films du Collectif Jeune Cinéma et de la mise à disposition des lieux d’exposition de Mains d’Œuvres, CAC Brétigny, Bétonsalon, DOC ! et Sorbonne Université.
19h : Le ciel est bleu comme une brique, performance de Léonore Camus-Govoroff et Louis Chaumier
20h : DJ set d’Angela