Bourse de recherche et de production ADAGP / Bétonsalon 2021
Anne Le Troter
Le comité artistique de la bourse ADAGP x Bétonsalon s’est réuni le 18 juin 2021 et a désigné la lauréate 2021 : Anne Le Troter. Elle est la quatrième artiste à bénéficier de cette bourse, après Franck Leibovici (2017), Liv Schulman (2018) et Euridice Zaituna Kala (2019).
Liés par des vocations communes – travailler au plus près des artistes, mettre en valeur le patrimoine visuel et défricher des terrains méconnus de l’histoire de l’art – l’ADAGP et Bétonsalon se sont associés pour créer un programme de bourses de recherche visant à développer le travail d’un·e artiste travaillant en France, sur la circulation et la reproduction des images, à partir du fonds Marc Vaux conservé à la Bibliothèque Kandinsky, MNAM-CCI, Centre Pompidou.
Cette bourse d’un montant de 20000 euros est destinée à permettre à un·e artiste de développer un travail de recherche sur une durée de 3 à 5 mois autour des questions de représentation, de production et de circulation des images, en lien avec le fonds Marc Vaux et les recherches universitaires menées autour de ce fonds. Ces réflexions peuvent s’inscrire dans le champ de l’art (relecture des histoires de l’art, exploration de parcours de vie ignorés et marginalisés, réflexion sur la fabrication même des images…) mais aussi dans le champ plus large de la production d’images dans un monde saturé d’informations (politiques, économiques, scientifiques, journalistiques…).
Les 20 000 euros de cette bourse sont destinés à couvrir les honoraires du/de la lauréat·e (5000 €), sa production (10 000 €) dont si besoin, ses frais d’hébergement à Paris, ainsi que les frais d’accompagnement de son projet (5000 €).
Initié en 2017, ce programme est conçu comme une plateforme de recherche artistique dédiée à l’expérimentation de modèles non-linéaires de production et de distribution des savoirs entre chercheur·se·s, artistes contemporain·e·s, tissu associatif, institutions culturelles et un large public.
Le projet artistique
Un projet de radio médico-sociale animée par les auteur.rices des œuvres anonymes référencées dans le fonds photographique Marc Vaux.
« Travaillant d’ordinaire beaucoup avec des archives sonores que je produis ou que je trouve, j’en suis naturellement venue à les chercher dans le fonds photographique Marc Vaux. Elles me sont apparues dans l’interstice des images photographiques, c’est-à-dire dans les récits non enregistrés qu’il y a entre ces images d’auteur.rices anonymes. À l’instar de Marc Vaux ayant monté un foyer d’entraide pour artistes et intellectuel.les, ces auteur.rices anonymes, que j’appellerais « Volontaires », chercheront à monter une radio médico-sociale pour donner une voix aux images qui composent ce fonds photographique et, dans un désir d’identité, parler surtout de leur corps biologique de travailleur.euses de l’art et de ses conditions.
C’est donc une relecture de l’histoire de l’art de 1920 jusqu’à 2021, par le prisme de la médecine, que propose de diffuser cette radio aidée par le corps médical. L’histoire de la radio médico-sociale prend appui dans le quartier de Montparnasse. Sa tour disposait d’une antenne dans les années 1980 et diffusait des émissions de radio locales, notamment 95.2 FM regroupant : Médico Social, France Lecture, Sport et Musique et de la radio Paris FM2. J’ai envie de réactiver cette histoire radiophonique de Montparnasse en proposant aux acteur.rices de Radio Citron par exemple (et inspirée de la radio La Colifata) de tenir le rôle des auteur.rices des œuvres anonymes du fonds photographique Marc Vaux.
Après la création de cette radio médico-sociale, les archives sonores créées seront diffusées sous la forme de pièces radiophoniques performées, rendues audibles grâce à des vêtements sonores. Ces vêtements sonores seront orchestrés par des performeur.euses qui exposeront la parole des autres comme autant de radios portatives prêtes à diffuser les voix d’auteur.rices anonymes, en ville. Il s’agira pour celles et ceux portant la parole des autres, de devenir antenne, d’en être le relais.
Partant du constat que le son, la voix et la parole sont par essence mobiles et que c’est leur amplification qui a rendu le son partiellement sédentaire, je souhaiterais proposer à l’écoute une installation sonore mobile, dehors, active grâce à des porteur.euses de son, à des porteur.euses de voix qui proposeraient à la parole des autres l’hospitalité de leur propre corps. Les mots seront considérés comme des organes cherchant à faire « vivre » par la voix transportée un corps social réactualisé dans notre présent. »
Comité artistique 2021
Chaque année la bourse de recherche et de production ADAGP – Bétonsalon est décernée par un comité artistique composé de professionnel·les du monde de l’art.
Comité artistique 2021 :
Jagna Ciuchta, artiste
Mica Gherghescu, chargée du développement des services à la recherche à la Bibliothèque Kandinsky
Béatrice Gross, commissaire d’exposition et critique indépendante
Émilie Renard, directrice de Bétonsalon – centre d’art et de recherche
Manuel Segade, directeur du Centro de Arte Dos de Mayo (CA2M), Madrid
Euridice Zaituna Kala, artiste (lauréate de la bourse en 2019)
Anne Le Troter
Anne Le Troter (1985) est une artiste basée à Paris. C’est après l’écriture de deux livres L’encyclopédie de la matière et Claire, Anne, Laurence qu’elle commence à travailler, par cycle, sur les modes d’apparition de la parole de groupes déterminés en additionnant les expositions (souvent des pièces sonores) produisant, à la fin, des pièces écrites. Ainsi Anne Le Troter invite des groupes de personnes tel.les que les artistes ASMR à venir travailler avec elle (L’appétence, pièce sonore, 2016, Prix du Salon de Montrouge et du Palais de Tokyo). Après avoir travaillé sur une forme de commercialisation de la parole – au cours d’un cycle d’installations sonores autour de la figure de l’enquêteur téléphonique, cycle étendu sur la durée de deux expositions personnelles et une collective (Les mitoyennes à La BF15 en 2015, Liste à puces au Palais de Tokyo en 2017 et Les silences après une question à l’Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne en 2017 – le travail d’Anne Le Troter prend aujourd’hui le chemin du genre de l’anticipation. Invitée par la fondation Pernod Ricard, la Biennale de Rennes, le centre d’art contemporain Le Grand Café à Saint Nazaire, le Nasher Sculpture Center à Dallas et le Centre Pompidou, l’artiste engage un nouveau cycle d’écriture autour de la notion de biographie, de fiction et d’utopie. En 2020, elle est lauréate de la Villa Kujoyama à Kyoto.
L’ADAGP
Créée en 1953, l’ADAGP est la société d’auteurs française pour les arts visuels. Forte d’un réseau mondial de près de 50 sociétés sœurs, elle représente aujourd’hui près de 200 000 artistes dans toutes les disciplines des arts visuels : peinture, sculpture, photographie, architecture, design, bande dessinée, manga, illustration, street art, création numérique, art vidéo…
L’ADAGP gère l’ensemble des droits patrimoniaux reconnus aux auteurs (droit de suite, droit de reproduction, droit de représentation, droits collectifs), pour tous les modes d’exploitation : livre, presse, publicité, produits dérivés, enchères, vente en galerie, télévision, vidéo à la demande, sites internet, plateformes de partage entre utilisateurs…
Elle est aujourd’hui devenue, grâce à la richesse et à la diversité de son répertoire, l’une des plus importantes sociétés d’auteurs au monde.
LE FONDS MARC VAUX À LA BIBLIOTHÈQUE KANDINSKY
Ancien charpentier formé à la photographie suite à une blessure lors de la Première Guerre mondiale, Marc Vaux commence dans les années 1920 à photographier plus de 5 000 artistes – venu·e·s de France ainsi que du monde entier – et leurs œuvres dans leurs ateliers de Montparnasse et de Paris, produisant, jusqu’au début des années 1970, plus de 128500 photographies. L’étude de ce fonds, conservé aujourd’hui au Centre Pompidou et entièrement numérisé, permet d’élaborer un portrait de Paris comme foyer de création au langage hybride et transnational, nourri d’histoires individuelles ou d’engagements politiques et artistiques trop souvent fondus dans la linéarité des récits o ciels d’une modernité homogène.