Entre Autres Choses ou BOT (BETWEEN OTHER THINGS) – Bourse de recherche et de production ADAGP / Bétonsalon 2023
Irma Name
Le comité artistique de la bourse ADAGP/Bétonsalon s’est réuni le 22 mai 2023 et a choisi le duo Irma Name (Hélène Deléan et Clément Caignart) comme lauréat. Iels sont les sixièmes artistes à bénéficier de cette bourse après franck leibovici (2017), Liv Schulman (2018), Euridice Zaituna Kala (2019), Anne Le Troter (2021) et Abdessamad El Montassir (2022).
La bourse de recherche ADAGP/Bétonsalon est une dotation de 20 000 € destinée à soutenir un·e artiste dans un travail de recherche sur plusieurs mois. Bétonsalon – centre d’art et de recherche accompagne l’artiste dans son processus de recherche et de production, l’artiste reçoit 5 000 € d’honoraires et 10 000 € pour la production.
ENTRE AUTRES CHOSES ou BOT (BETWEEN OTHER THINGS)
En prenant appui sur le fonds d’archives du collectif Archizoom Associati, Irma Name s’intéresse à la notion de contre-utopie critique développée par le groupe d’architectes et de designers florentin·es entre 1966 et 1974.
Archizoom a notamment développé le projet No-Stop City (1969), un modèle d’urbanisation globale basé sur l’organisation d’une usine ou d’un supermarché qui remet en question la pertinence d’un monde saturé d’objets et propose un nouveau rapport à l’espace émancipé de tout repère géométrique. Leur dernier projet, une coopérative éphémère d’architectes et d’artistes intitulée Global Tools (1973-1975), était une contre-école d’architecture axée sur l’utilisation de matériaux naturels et artificiels et le développement d’activités créatives individuelles. Les membres d’Archizoom considéraient l’espace de transmission comme la première pierre à apporter à la construction d’un geste politique.
En partant du constat d’une réactualisation des utopies et contre-utopies des années 1970, sous la forme de techno-utopies, où les institutions devenues dépendantes du numérique, migrent progressivement vers les métavers, Irma Name développera pendant cette résidence de recherche et de production le projet Entre Autres Choses (BOT). Postulant la disparition du fonds d’archives d’une expérimentation artistique et pédagogique menée par Bétonsalon, iels imaginent un groupe de chercheur·ses et d’artistes missionné·es pour recomposer cette histoire et ses éléments manquants, passant par la reconstitution de l’environnement sensoriel des lieux. Sur le mode du récit d’anticipation, se rencontreront lors d’une enquête de terrain fictive des urbanistes, sociologues, militant·es, étudiant·es et artistes, non sans tension quand iels tenteront de recréer une nouvelle expérience artistique immersive inspirée de la précédente.
Cette recherche donnera lieu à la production d’une installation vidéo qui mettra en question les nouvelles méthodes de production et de circulation des contenus artistiques dans les mondes virtuels et computationnels. Elle engagera dans un futur proche et fictionnel les problématiques, fantasmes et craintes liées au développement inexorable des technologies de réalité virtuelle, de l’intelligence dite artificielle et des agents génératifs.
Comité artistique 2023
Julien Ribeiro, artiste et curateur
Lauren Tortil, artiste, membre de l’ADAGP
Abdessamad El Montassir, artiste, lauréat de la bourse en 2022
Mica Gherghescu, responsable programmation scientifique et accueil des chercheurs, Bibliothèque Kandinsky
Émilie Renard, directrice de Bétonsalon
La bourse de recherche et de production ADAGP / Bétonsalon
Cette bourse est destinée à permettre à un artiste de développer un travail de recherche de six mois autour des questions de représentation, de production et de circulation des images, à partir d’un ou de plusieurs fonds photographiques de la Bibliothèque Kandinsky qu’elle ou il pourra identifier. Ces réflexions peuvent s’inscrire dans le champ de l’art – relecture des histoires de l’art, exploration de parcours de vie ignorés et marginalisés, composition de nouvelles lignées artistiques… – mais aussi dans la matérialité même des images photographiques – leurs fabrication, archive, reproduction, exposition et multiples formes de circulations.
Irma Name (Hélène Déléan et Clément Caignart)
Né·es en 1986 et 1987, travaillent à Paris.
Le travail du duo Irma Name (Hélène Deléan et Clément Caignart) consiste depuis 2016 à monter des projets collectifs ou participatifs, interrogeant le rôle ambigu du politique et de la pédagogie dans leur pratique artistique, comme dans l’art en général. Parce que le collaboratif et l’improvisation se trouvent empiriquement au cœur des méthodes de production du cinéma, du théâtre et de la performance, Irma Name voit dans ces différents médiums des outils privilégiés pour donner forme à ses récits spéculatifs. Il pourrait s’agir aussi de dépasser une conception auctoriale et individuelle au profit d’un déploiement de l’œuvre à partir d’une forme pensée à plusieurs, inspirante et concordant avec ce qu’exige la réalité.
Avec un sérieux parodique, leurs réalisations mobilisent les codes de l’enquête sociologique, de l’atelier participatif, ou du film d’anticipation, permettant de formaliser à l’oral et de projeter dans des récits, des questionnements socio-politiques et culturels ayant urgemment besoin de réponses… L’intérêt des artistes pour le cinéma documentaire, les archives (et l’imagerie qui en ressort), le théâtre expérimental (dans sa veine émancipatrice) de même que pour la théorie critique et les sciences sociales, s’entremêlent pour aboutir à des propositions qui, si elles apparaissent visuellement riches et érudites, n’en demeurent pas moins d’une grande efficacité théorique, sans exclure l’amusement et le plaisir ayant contribué à leur production.
Partant de pratiques et de savoirs situés, pour reprendre les termes de Donna Haraway, les créations d’Irma Name ont pour enjeu de réfléchir à la manière dont des événements dialoguent et circulent dans un vaste écosystème, dépassant l’humain et les idéologies binaires. Bien que la pratique artistique du duo participe de la sorte à toute une réflexion actuelle sur l’avenir écologique de la terre, les modes d’extractions des matières premières et leur circulation, l’accès à l’énergie, à la technologie, la part grandissante du secteur tertiaire dans l’économie ou l’exploitation au travail…, leur implication ne verse jamais dans un activisme présomptueux et s’accorde la possibilité, et même l’importance, du regard artistique sur une société mouvante, dans laquelle les artistes ont aussi un rôle à jouer.
(Présentation du travail par Benoît Lamy de la Chapelle)
L’ADAGP
Créée en 1953, l’ADAGP est la société française de perception et de répartition des droits d’auteur dans le domaine des arts visuels. Forte d’un réseau mondial de plus de 50 sociétés sœurs, elle représente aujourd’hui plus de 200 000 artistes dans toutes les disciplines : peinture, sculpture, photographie, architecture, design, bande dessinée, manga, illustration, street art, création numérique, art vidéo.
De plus, l’ADAGP encourage la scène artistique en initiant et en soutenant financièrement des projets propres à animer et valoriser la création, et à en assurer la promotion à l’échelle nationale et internationale.
La Bibliothèque Kandinsky
La Bibliothèque Kandinsky, centre de documentation et de recherche du Musée National d’art Moderne – Centre de Création Industrielle au Centre Pompidou, conserve et met à disposition d’un public spécialisé d’importants fonds d’archives et collections documentaires sur l’art des XXᵉ et XXIᵉ siècles.