KEEPYOURSPIRITSUP!
Avec Clément Courgeon, Louise Siffert, Gwendal Coulon, Costa Badía, et le collectif Ostensible (No Anger & Lucie Camous)
Dans le cadre de l’été culturel de la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France – Ministère de la Culture.
Aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, le sport est à tel point ancré dans notre quotidienneté qu’il n’y est plus seulement présent sous la forme d’un loisir, individuel ou collectif, ou d’une activité physique régulière déterminée. Il innerve désormais nos jours, irriguant de son vocabulaire nos paroles, d’un bonjour sous la forme d’un « comment ça va champion ? », à un encouragement qui tient tout de la course de fond, « ne te laisse pas abattre, ne lâche rien ! » ; mais aussi le monde du travail, où il est devenu synonyme de réussite, une entreprise insistera ainsi sur « la performance », les « records individuels » et les « victoires d’équipe ». Si le sport se résume de prime abord à une activité physique visant à améliorer sa condition physique (définition du Larousse), il est aussi l’un des principaux vecteurs d’une culture de l’héroïsme, du dépassement de soi avec, mais aussi contre les autres. Or, force est de constater que les penchants agonistiques qui le traversent ont envahi nos vies. L’économiste et sociologue allemand Max Weber soulignait déjà dans ses écrits comment les passions de la richesse avaient tout du caractère d’un sport, tant elles étaient habitées par la logique du combat, de la compétition et de la performance. Devenu un rapport généralisé à l’existence, le sport est ainsi désormais présent hors du sport : « employé à titre de référent, de métaphore ou de principe d’action dans des registres de plus en plus étendus de notre réalité contemporaine, le sport est sorti des stades et des gymnases, il a quitté le cadre restreint des pratiques et des spectacles sportifs : c’est un système de conduite de soi qui consiste à impliquer l’individu dans la formation de son autonomie et de sa responsabilité.¹ »
Expression anglo-saxonne que l’on pourrait traduire par « Reste optimiste ! / Garde la pêche et une attitude positive ! / Ne te laisse pas abattre ! », Keep Your Spirits Up ! a justement tout de l’encouragement sportif devenu mantra de vie. Empruntée à une peinture de Sylvie Fanchon – dont l’exposition « SOFARSOGOOD » [jusqu’ici tout va bien] servira de cadre à ce projet de rencontre entre la performance artistique et le sport – cette expression charrie aussi bien ce que l’élan enthousiaste peut avoir de moteur, pour soi mais aussi pour les autres, que l’injonction paradoxale à aller bien à tout prix, à ne devoir qu’être en forme. Keep Your Spirits Up ! réunit ainsi un groupe d’artistes, pratiquant tous·tes la performance, qui ont en commun d’explorer à travers leur travail les notions d’effort, de limite, de fatigue, d’épuisement, mais aussi de repos, de retrait, de dépense et de grève, ainsi que les injonctions sociétales à l’optimisme et à garder le cap. Chacun·e à leur manière, ils·elles convoquent, détournent et interrogent cette culture de l’héroïsme héritée du sport. Et si dans les arts visuels contemporains, l’art de la performance désigne, de manière générale, une action en train de se faire en présence d’un public, le mot désigne aussi une forme d’accomplissement, de succès, en somme une sorte de victoire… Quid de la performance artistique qui résiste et propose une alternative à la performance, à l’épreuve ?
C’est ce que ce programme se propose d’explorer en invitant des artistes à échanger avec des sportif·ves pour mieux interroger la wellness culture [la culture du bien être] et ses dérives capitalistes. Quelles places pour des corps hors-tempo, non-performants, inefficaces ? Comment un corps épuisé, qui refuse la performance et résiste aux injonctions de dépassement de soi peut aussi offrir de nouvelles possibilités pour penser le collectif, l’interdépendance, l’attention à soi et aux autres ?
Elena Lespes Muñoz
¹ Alain Ehrenberg, in Le culte de la performance, Paris Calmann-Lévy, 1991.
Clément Courgeon
Né en 1997, Clément Courgeon vit et travaille à Paris. Le travail pluridisciplinaire de Clément Courgeon s’articule autour de la création de personnages — le bouffon, le colporteur, l’homme de bois, le prince de la Tire-Lire… — qu’il accompagne de costumes, d’accessoires ou de sculptures mobiles, qui peuvent accueillir ses performances. Inspiré autant par les traditions carnavalesques et folkloriques du Moyen Âge que par les pratiques contemporaines populaires telles que le catch, son œuvre, souvent décrit comme « pop-grotesque », bouscule les conventions artistiques et les constructions sociales, en interrogeant le rapport à la marginalité et à la mascarade. Son travail a été présenté dans des expositions collectives aux Beaux-arts de Paris (2020), à la Fondation Pernod Ricard dans le cadre du programme l’Avancée (2021), à Askip aux Beaux-Arts de Nantes (2021), à la 72e édition de Jeune Création (2022), au Riksidrottmuseet à Stockholm (2022), au festival 100% la Villette (2023). En 2024, il participera la 17e édition de la Biennale de Lyon.
Louise Siffert
Louise Siffert, née en 1988 à Strasbourg, France, vit et travaille à Paris. La performance est au cœur de son travail. Monde du travail et aliénation, recherche du bien-être, place des habitudes : les performances de Louise Siffert interrogent et mettent en relation les formes d’aliénation contemporaines et leurs remèdes supposés, dans une mise en scène théâtrale et burlesque. Ancrant son travail dans des réflexions scientifiques et sociologiques (théories queer, études du genre, études décoloniales…), Louise Siffert crée des personnages aux caractères exacerbés, surexploitant les codes de langage et de comportement qui leur sont attribués.
Louise Siffert se forme à la scénographie. En 2009, elle intègre l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Elle est membre du DOC !, espace artistique autogéré à Paris. Elle a développé le projet Le Centre des Organisations positives, une série d’installations et de performances sur les techniques de marketing et de management, basées sur la hiérarchisation des besoins proposée par le psychologue américain Abraham Maslow en 1943.
Son travail a été montré au MO.CO Panacée à Montpellier, à la Synagogue de Delme, aux Laboratoires d’Aubervilliers, à L’Atelier de Paris – Carolyn Carlson, au Palais de Tokyo, au CAPC et à la Ménagerie de Verre. Son travail a aussi été présenté dans le cadre d’une exposition personnelle intitulée « Gut Feelings. Tellement vitales et si vivantes » au BBB centre d’art de Toulouse en 2020.
Gwendal Coulon
Gwendal Coulon est artiste visuel. Né en 1990, il vit et travaille entre Paris et Marseille. Sa pratique qu’elle soit performance, peinture, texte, dessin, sculpture, projet éditorial, installation ou vidéo, est à coup sûr un pas de côté, ou plutôt un pied de nez. Ses propositions ne sont jamais véritablement pensées pour être cyniques, ou déceptives mais au contraire, tendent à révéler certaines conventions du geste artistique. Par glissements, références et détournements, il déjoue les conditions de l’acte pictural et de visibilité de la peinture tout en y inscrivant des éléments poétiques. Entre reprise et théâtralisation des codes culturels cultivés par les acteur·ices de l’art et de la société en général, il cherche à révéler les failles et les mises en scène de l’artiste en tant que personnage social.
Après des études de musique au conservatoire et à la Fac de musicologie de Rennes et un premier cycle à l’École Européenne Supérieure de l’Image d’Angoulême, Gwendal Coulon est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2019 avec les félicitations du jury. Lauréat du Prix de Sculpture/Installation des Fondations des Beaux-Arts de Paris, il intègre la Collection du Frac Poitou-Charentes en 2021 ainsi que les collections arts graphiques du CNAP en 2023. Son travail a été présenté à la galerie Gaudel de Stampa (Paris), au Crédac centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine, à la galerie Air de Paris, à La Station (Nice), au CAC Brétigny, à la Fondation Ricard (Paris), à la Fondation Martell (Cognac), au hTh CDN Montpellier, et dans plusieurs festivals et salles de concert en France et à l’étranger.
Costa Badía
Artiste, médiatrice culturelle et autrice, Costa Badía (née en 1981), vit et travaille à Madrid (Espagne). Diplômée des Beaux-Arts de l’Universidad Complutense de Madrid, son travail se concentre sur le questionnement des stéréotypes de beauté et de comportement. Elle cherche des voies alternatives, et étudie la coexistence des corps et des personnes. Elle est également membre du département éducatif du Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía à Madrid, où elle coordonne la section de l’accessibilité en mettant l’accent sur la médiation culturelle et la programmation.
Ostensible (No Anger & Lucie Camous)
Ostensible a été fondée par Lucie Camous (commissaire d’expositions,
artiste, chercheurx) et No Anger (chercheurx, artiste, auteurx), toutxs deux directement concernéxs par le handicap. Ostensible est une structure de recherche-création active dans les champs des disability, crip studies et de l’art contemporain. Déployant une approche qui mêle commissariat d’exposition et recherche, elle promeut une nouvelle approche du handicap au-delà de tout prisme médical. Ostensible était en résidence au Crédac pendant en 2023-2024 et curate une exposition collective au CRAC, centre d’art contemporain à Sète en septembre 2024.
No Anger est chercheurx, titulaire d’un doctorat en science politique avec sa thèse Défier la sexualisation du regard. Analyse des démarches contestataires des FEMEN et du post-porn, portant sur les rapports entre le travail artistique sur le corps et la contestation politique.
Ses recherches portent sur les effets des imaginaires hégémoniques sur les pratiques et les subjectivités des acteur·rices sociaux·ales, et aux façons dont les artistes et activistes transforment les structures des imaginaires dominants. Également auteurx, notamment à travers son blog À mon geste défendant, iel met en lumière les oppressions sociales qu’iel subit au quotidien pour participer aux luttes antivalidistes. No Anger développe également une pratique artistique de danse et d’écriture, par laquelle iel exploite la possibilité de réinventer artistiquement son corps handicapé, avec notamment Quasimodo aux miroirs (MAC-VAL, 2018) Enfin, iel est lauréatx du Prix Utopi·e 2023.
Dans sa pratique artistique et curatoriale, Lucie Camous adopte un point de vue politique et se situe au croisement de formes artistiques, théoriques et militantes. Les mécanismes de pouvoirs, les dynamiques de résistances et les savoirs situés sont les notions qui interrogent et alimentent l’ensemble de ses engagements artistiques. Sa démarche, ancrée dans des narrations intimes, se déploie autour des normes, de leurs frontières et des enjeux sensibles liés à leurs désirs de franchissement. L’expérimentation et l’élaboration de pratiques de travail collectives structurent ainsi l’ensemble de l’écriture de ses projets. En 2019, iel co-fonde Modèle vivant·e (avec Hélène Fromen et Linda DeMorrir), collectif expérimental et transféministe de dessin et de représentations dissidentes. Lucie Camous est membre de CEA – Association française des commissaires d’exposition, du REHF – Réseau d’Etudes Handi-Féministe et actuellement rédident·e à Artagon Pantin.
Performance de Clément Courgeon
Performance de Louise Siffert
Concert de Gwendal Coulon
Performance de Costa Badía
Animée par Susie Richard et Elena Lespes Muñoz, en collaboration avec le Crédac
En présentiel et en ligne sur Zoom
Workshop en deux ateliers, entre adultes, autour du cheerleading avec l’artiste Louise Siffert – dans le cadre de KEEPYOURSPIRITUP !, Été Culturel 2024