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  • Bétonsalon - centre d'art et de recherche

    9 esplanade Pierre Vidal-Naquet

    75013 Paris
    +33.(0)1.45.84.17.56
    Adresse postale
    Bétonsalon - centre d'art et de recherche
    Université de Paris
    5 rue Thomas Mann
    Campus des Grands Moulins
    75205 Paris Cédex 13
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  • BS n°15
  • Quelque chose de plus qu’une succession de notes

    22 mai - 20 juillet 2013
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    Vue de l’exposition "Quelque chose de plus qu’une succession de notes". Bétonsalon – Centre dʼart et de recherche, Paris, 2013. Image : Aurélien Mole

    Ada Magazine, William Anastasi, Amar Foundation, Willem Boshoff, Ian Carr-Harris, Alice De Mont, Ruy Guerra, Johnny Kit Elswa, Shirley, Douglas et Tam Krenak, Violaine Lochu, Ignazio Macchiarella, Pénélope Patrix, Taller Leñateros, Andrew Norman Wilson

    Commissaire : Mélanie Bouteloup

    En 2003, l’UNESCO établissait une Convention pour la sau­ve­garde du Patrimoine Culturel Immatériel, offrant une reconnais­sance ins­ti­tu­tion­nelle iné­dite à des pra­ti­ques de l’ordre du savoir-faire, de l’ora­lité, du geste ou du rituel. Selon cette conven­tion, la notion de « patri­moine cultu­rel imma­té­riel » dési­gne les « pra­ti­ques, repré­sen­ta­tions, expres­sions, connais­san­ces et savoir-faire - ainsi que les ins­tru­ments, objets, arte­facts et espa­ces cultu­rels qui leur sont asso­ciés » - trans­mis de géné­ra­tion en géné­ra­tion par une com­mu­nauté. Il est en per­ma­nence recréé en fonc­tion de l’inte­rac­tion du groupe avec son milieu, son his­toire, et lui pro­cure « un sen­ti­ment d’iden­tité et de conti­nuité, contri­buant ainsi à pro­mou­voir le res­pect de la diver­sité cultu­relle et la créa­ti­vité humaine ». Cette conven­tion témoi­gne d’une évolution du concept de « patri­moine » vers une défi­ni­tion élargie, non plus stric­te­ment monu­men­ta­liste et occi­den­tale. En dehors du bâti et des textes, elle inclut désor­mais l’ora­lité et les gestes pour reconnaî­tre la diver­sité des formes d’expres­sions cultu­rel­les à tra­vers le monde. L’ambi­tion d’en assu­rer la pré­ser­va­tion pose cepen­dant ques­tion. Comment envi­sa­ger la repré­sen­ta­tion de pra­ti­ques imma­té­riel­les ? Comment entre­pren­dre leur « sau­ve­garde » sans pour autant les figer en un inven­taire, et les réduire à une trans­crip­tion ou réac­ti­va­tion néces­sai­re­ment par­tielle et sub­jec­tive ? Faut-il en défi­ni­tive « conser­ver » ces pra­ti­ques imma­té­riel­les ou lais­ser libre cours à leurs muta­tions ?

    À l’occa­sion des dix ans de cette conven­tion, l’expo­si­tion Quelque chose de plus qu’une suc­ces­sion de notes [1] pro­pose d’inter­ro­ger les enjeux sou­le­vés par la patri­mo­nia­li­sa­tion de don­nées cultu­rel­les par défi­ni­tion vivan­tes et en per­pé­tuelle évolution. Tenter de clas­ser et per­pé­tuer les pra­ti­ques cultu­rel­les imma­té­riel­les, n’est-ce pas aller à l’encontre du mou­ve­ment orga­ni­que qui les sous-tend, propre à la cons­ti­tu­tion, à l’évolution voire à la dis­pa­ri­tion des formes d’expres­sion d’une com­mu­nauté humaine ? Dans la mesure où les pra­ti­ques d’un groupe nais­sent et se méta­mor­pho­sent tou­jours en fonc­tion d’un contexte socio-économique précis, leur fixa­tion en une forme atem­po­relle sup­po­sée repré­sen­ta­tive (au moyen d’enre­gis­tre­ments sono­res, pho­to­gra­phi­ques, vidéos, mais encore de témoi­gna­ges ou d’éléments col­lec­tés sur le ter­rain) ne peut rendre compte de leurs varia­tions et de leur labi­lité pro­fonde.

    La ques­tion de la pré­ser­va­tion des pra­ti­ques cultu­rel­les imma­té­riel­les est com­plexe et pré­sente de nom­breux écueils. Le désir de mémoire et de repré­sen­ta­tion qu’elle sup­pose impli­que d’abord le risque de conduire à leur folk­lo­ri­sa­tion, voire mar­chan­di­sa­tion. Ces pra­ti­ques repré­sen­tent géné­ra­le­ment un enjeu tou­ris­ti­que pour la région concer­née ; sup­port d’inté­rêts économiques, si ce n’est poli­ti­ques et natio­na­lis­tes, elles sont alors pro­gres­si­ve­ment éloignées des com­mu­nau­tés qui les pra­ti­quent, et rédui­tes à des pro­duits déri­vés flo­ris­sants dans les com­mer­ces - en contra­dic­tion avec la notion même de patri­moine cultu­rel imma­té­riel. Par ailleurs, la prise en charge de leur repré­sen­ta­tion par une ins­ti­tu­tion - pro­ces­sus qui impli­que le pré­lè­ve­ment d’éléments repré­sen­ta­tifs d’une réa­lité donnée pour les étudier ou expo­ser - com­porte un risque de décontex­tua­li­sa­tion et de réi­fi­ca­tion. À rebours du modèle muséal clas­si­que dont la fonc­tion est de conser­ver, valo­ri­ser et rendre public le patri­moine maté­riel, l’enjeu est donc aujourd’hui de trou­ver com­ment abor­der les dimen­sions imma­té­riel­les des cultu­res, et conce­voir une muséo­gra­phie à même d’incar­ner leur plu­ra­lité. Bon nombre de musées eth­no­gra­phi­ques et de scien­ces natu­rel­les comme le Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren, en Belgique, le musée Humboldt de Berlin, ou encore le MUCEM à Marseille, sont actuel­le­ment enga­gés dans une redé­fi­ni­tion du musée comme lieu d’expo­si­tion de pra­ti­ques vivan­tes [2]. Afin d’éviter l’effet décontex­tua­li­sant de l’espace muséal, il s’agit de faire place aux éléments his­to­ri­ques, économiques et sociaux qui contri­buent à expli­quer l’appa­ri­tion d’une pra­ti­que, sa nature et sa fonc­tion.

    À la suite de l’expo­si­tion « Une légende en cache une autre » qui abor­dait en 2012 les ques­tions éthiques, poli­ti­ques et juri­di­ques sou­le­vées par les res­ti­tu­tions d’objets eth­no­gra­phi­ques, Quelque chose de plus qu’une suc­ces­sion de notes pro­longe la réflexion sur notre rap­port à la culture de l’Autre en inter­ro­geant les moda­li­tés et les limi­tes de sa docu­men­ta­tion. Toute occur­rence d’une tra­di­tion, d’un rituel ou d’un geste est unique, et ne se répète jamais de manière iden­ti­que. Le docu­ment maté­riel que le cher­cheur peut être amené à en pro­duire ne pourra donc cons­ti­tuer qu’une repré­sen­ta­tion par­tielle et par­tiale : la cap­ta­tion sonore ou écrite d’un chant n’en tra­duira jamais les gestes ni ce qui se joue dans la rela­tion inter­per­son­nelle de ses inter­prè­tes, et ne res­tera qu’un exem­ple sin­gu­lier parmi une infi­nité d’inter­pré­ta­tions pos­si­bles. L’anthro­po­lo­gue Jack Goody, qui s’est atta­ché de nom­breu­ses années à trans­crire le chant du Bagre au Ghana, sou­li­gne ainsi dans un numéro de la revue Museum International consa­cré au patri­moine imma­té­riel : « La trans­crip­tion n’est en aucun cas un événement neutre. […] Le pas­sage d’une réci­ta­tion parlée à un texte écrit ne se résume pas à l’action qui consiste à enre­gis­trer ce qui a été dit. Le pro­cédé lui-même change la nature de l’œuvre en attri­buant une forme per­ma­nente à une réa­lité qui d’ordi­naire subit des chan­ge­ments conti­nuels, en don­nant des fins de ligne et des fins de phrase visuel­les à ce qui n’était peut-être que des légè­res pauses au cours de la nar­ra­tion, en éliminant des accom­pa­gne­ments musi­caux, vocaux et ges­tuels [3]. »

    Face à l’impos­si­bi­lité de repré­sen­ter et d’inter­pré­ter de manière objec­tive le vivant, l’expo­si­tion « Quelque chose de plus qu’une suc­ces­sion de notes » prend le parti, à l’image de cer­tains cou­rants de l’anthro­po­lo­gie contem­po­raine, d’assu­mer la sub­jec­ti­vité totale des trans­crip­tions à l’œuvre dans les tra­vaux qu’elle pré­sente. Elle relève l’inco­hé­rence qu’il y a fina­le­ment à vou­loir dis­so­cier les cultu­res humai­nes en un pan « maté­riel » et un autre « imma­té­riel » - alors même que cer­tains éléments dits « maté­riels », tels que les cos­tu­mes, sont indis­so­cia­bles des pra­ti­ques « imma­té­riel­les » aux­quel­les ils sont asso­ciés. Au croi­se­ment de l’anthro­po­lo­gie, de l’his­toire, de l’art et de la muséo­lo­gie, l’expo­si­tion réunit des contri­bu­tions de cher­cheurs, acti­vis­tes et artis­tes dont les recher­ches et les œuvres affir­ment la sin­gu­la­rité irré­duc­ti­ble des pra­ti­ques cultu­rel­les imma­té­riel­les. Loin de toute clas­si­fi­ca­tion ris­quant de conduire à la sim­pli­fi­ca­tion et nor­ma­li­sa­tion de ces pra­ti­ques, Quelque chose de plus qu’une suc­ces­sion de notes se veut au contraire plu­rielle et poly­pho­ni­que. Dessinant une muséo­gra­phie à plu­sieurs voix qui reflète à la fois le point de vue des com­mu­nau­tés, des cher­cheurs, et des créa­teurs, elle opère un glis­se­ment du champ de l’anthro­po­lo­gie à celui de l’art - ici réunis par l’obser­va­tion, l’enre­gis­tre­ment du réel, la sub­jec­ti­vité du regard, et la varia­bi­lité pro­fonde de leur objet.

    Télécharger le dos­sier de presse

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    Vue de l’exposition "Quelque chose de plus qu’une succession de notes" avec Alice De Mont, "Study, test block, test shelf, test room", 2011. Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2013. Image : Aurélien Mole
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    Notes

    [1] Ignazio Macchiarella, « Sauvegarder l’oralité ? Le cas du canto a tenore », in Chiara Bortolotto (dir.), Le patrimoine culturel immatériel, Enjeux d’une nouvelle catégorie, 2011

    [2] Voir à ce propos la conférence internationale « The Postcolonial Museum : the Pressures of Memory and the Bodies of History », qui s’est tenue à Naples les 7 et 8 février 2013 dans le cadre du projet de recherche européen European Museums in an Age of Migrations (MeLA).

    [3] Jack Goody, « La transcription du patrimoine oral », Museum International n° 221/222, Paris : Éditions Unesco, Mai 2004, pp. 93 - 98.

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