En cours
Écrire avec des moufles Atelier d’écriture sur et autour, pour, avec, sous et à côté de l’art
2022 — 2025
Peut-on écrire sur l’art avec des moufles ? Les mains dans le placo ? La tête dans le guidon ? Qu’est-ce que la couleur des sols d’exposition, un ventre qui gargouille, l’ennui ou le trajet en bus pour venir font à notre perception des œuvres d’art ? Comment écrire sans passion ? Comment écrire sur des choses qu’on ne comprend pas ? Est-ce qu’on n’en dit pas toujours un peu trop ? Voilà, des questions auxquelles nous n’apporterons pas de réponses avec cet atelier, peut-être seulement des tentatives de réponses, ou à défaut, d’autres interrogations. Cet atelier s’adresse à toutes les personnes à qui l’écriture sur et autour de l’art donne des insomnies, venez partager vos mots.
Parties prenantes : rétroperspectives sur l’histoire de Bétonsalon
mars 2023 — mai 2027
En 2023, Bétonsalon a 20 ans : 20 années d’expositions, de productions d’œuvres nouvelles, de performances, de séminaires et de colloques, de textes inédits et de nouvelles traductions, de discussions, de rencontres, d’ateliers, d’actions non répertoriées qui ont été imaginées et accompagnées par un grand nombre de personnes.
Comment nous représenter l’histoire du lieu et à notre tour, la raconter ? Comment, nous, qui sommes arrivé·es ici récemment, pouvons-nous parcourir l’histoire du centre d’art, en composer une mémoire collective qui soit ouverte en lecture comme en écriture ? Comment situer Bétonsalon dans le paysage des institutions en France et dans le monde ?
C’est le moment pour nous de porter un regard rétrospectif sur cette institution, d’ouvrir une recherche autoréflexive pour tracer des perspectives actuelles, informées des expériences passées et de ces multiples histoires. Ensemble, nous ferons une plongée progressive dans l’histoire de Bétonsalon et de la Villa Vassilieff dans un esprit de recherche et d’expérimentation, dans une approche critique et réflexive, nous créerons notre méthodologie en observant celles explorées ici même, en collectant micro-histoires et contre-récits, paroles personnelles ou collectives, pour nous permettre de retisser des liens et prolonger certaines expériences.
À raison d’un rendez-vous de trois heures à chaque saison, tous les trois mois, nous mènerons progressivement et sur plusieurs années, une lecture au cas par cas de Bétonsalon. Projet après projet, nous ouvrirons progressivement les archives papiers et numériques, nous chercherons dans le fonds documentaire les ouvrages associés à chaque projet, nous ferons appel aux personnes concernées qui ont initié, animé, ou simplement traversé tel ou tel projet, en cherchant à ouvrir cette exploration à toutes les « parties prenantes » (titre d’une exposition de 2009) selon leurs affinités : les personnes volontaires des équipes précédentes, des acteur·ices individuels ou collectifs, artistes, curateur·ices, publics, partenaires, etudiant·es, professeur·es, personnel·s de l’université, habitant·es, enfants, passant·es, promeneur·ses de chien·nes, commerçant·es, associations… Il s’agira ainsi pour nous d’un temps de recherche autoréflexive, en acte, en vue d’une (re)constitution des archives numériques et papier.
Car j’explose en images Klonaris/Thomadaki
2023 — …
Farouchement indépendantes, Maria Klonaris et Katerina Thomadaki n’ont cessé de tracer des chemins inexplorés et d’affirmer leurs dissidences. Depuis le milieu des années 1970, elles ont construit une œuvre protéiforme où le cinéma côtoie la performance et la photographie et se spatialise dans des installations immersives. À travers ce qu’elles ont appelé le « Cinéma Corporel », elles ont fait du corps et de l’identité un lieu d’exploration esthétique et politique. Dans leurs premiers films et performances de cinéma élargi, elles ont réinventé le regard sur le corps et le désir féminin en produisant des images qui subvertissent l’imaginaire patriarcal. En se filmant et en se photographiant mutuellement, les deux artistes ont fait émerger une intercorporéité inédite. Leur cosignature, celle de deux femmes, est considérée comme unique au cinéma (Laura Mulvey, 2016).
Dès le début des années 80, Klonaris et Thomadaki ont transgressé les limites de l’identité sexuelle par la figuration de corps hors-normes – « dissidents » disent-elles – comme ceux de l’hermaphrodite ou de « l’Ange » intersexe. En déployant la puissance symbolique de ces figures dans des installations et œuvres elles-mêmes hybrides, les deux artistes ont donné corps à une pensée radicale sur le genre, d’une actualité frappante. Formellement, leur œuvre est caractérisée par une insoumission critique à l’égard des cloisonnements disciplinaires et par une attirance pour les formes éphémères : la projection, l’image transparente, les supports temporels (film, son) ou temporalisés (photographie), les événements « live » (performances de cinéma élargi) et immersifs (environnements de projection, installations photo-vidéographiques).
Aujourd’hui, Bétonsalon s’associe à Katerina Thomadaki et à la commissaire indépendante Maud Jacquin qui accompagne le travail des deux artistes depuis plusieurs années pour développer une recherche au long cours sur l’œuvre de Klonaris/Thomadaki considérée à travers le prisme de la performance et de son rapport à la question du genre et de l’identité. Emprunté au Manifeste pour un cinéma corporel écrit par Klonaris/Thomadaki en 1978, le titre de cette recherche souligne l’affirmation, par la performance, d’une subjectivité rebelle, capable de faire exploser les cadres — aussi bien de l’identité que des médias artistiques — en une multiplicité d’images toujours changeantes, échappant à la fixité des catégorisations.
À travers des expositions, des publications et des événements organisés à Bétonsalon et avec des institutions partenaires, nous aborderons différentes perspectives résumées ainsi : la performance filmée / le corps « écran actif » ; le cinéma performé / l’éclatement des normes ; la performance de l’archive/ l’infini des possibles.
L’enjeu majeur de cette recherche est donc de penser les relations entre cinéma, performance et genre dans l’œuvre de Klonaris/Thomadaki et de mettre en évidence la contribution singulière des deux artistes aux théories et pratiques de la performance. Un autre enjeu important concerne la réflexion autour de la re-présentation et de la conservation des œuvres de cinéma élargi qui combinent des aspects performatifs à la projection de films et de séries de diapositives, souvent accompagnée de créations sonores. Ces œuvres, techniquement complexes, étaient exécutées en public conjointement par les deux artistes. La disparition de Maria Klonaris en 2014 a invalidé la possibilité de les présenter dans leur forme initiale, tout en signalant la nécessité de les rendre à nouveau accessibles sous des formats actualisés.
Pour démarrer cette recherche, une exposition du duo aura lieu à Bétonsalon, du 26 septembre au 14 décembre 2024, autour du Cycle de l’Ange, un ensemble d’œuvres inspiré par la photographie médicale d’une personne intersexe, à la fois figure sublime et corps souffrant de sa stigmatisation, qu’elles explorent et célèbrent à travers une expérience qui rapproche intersexualité et intermédia.
SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE – Bourse de recherche et de production ADAGP / Bétonsalon 2024 Florian Fouché
2024 — 2025
Le comité artistique de la bourse ADAGP/Bétonsalon s’est réuni le 21 mai 2024 et a choisi Florian Fouché comme lauréat. Il est le septième artiste à bénéficier de cette bourse après franck leibovici (2017), Liv Schulman (2018), Euridice Zaituna Kala (2019), Anne Le Troter (2021), Abdessamad El Montassir (2022) et le duo Irma Name (2023).
La bourse de recherche ADAGP/Bétonsalon est une dotation de 15 000 € destinée à soutenir un·e artiste dans un travail de recherche sur plusieurs mois. Bétonsalon accompagne l’artiste dans son processus de recherche et de production, l’artiste reçoit 4 000 € d’honoraires et 8 000 € pour la production.
Le projet artistique
Intitulée SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE, la recherche de Florian Fouché s’inscrit dans le prolongement du Manifeste Assisté, une vaste enquête à la fois perceptive et documentaire sur la « vie assistée ». Commencée en 2015, elle trouve son origine dans le parcours de soins de Philippe Fouché, le père de l’artiste, devenu hémiplégique suite à un accident vasculaire cérébral qui, accompagné dès lors au quotidien par son fils, est devenu le principal protagoniste d’« actions proches » où se redistribuent les rôles de soin et les positions d’assistance. Plus de quatre cents « actions proches » ont aujourd’hui été performées et filmées, avec une quarantaine d’« acteur·rices assistant·es- assisté·es ». Activée en mars 2024 avec un premier ensemble d’œuvres, SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE identifie des correspondances critiques et des défaillances communes entre deux systèmes du secteur public français, la santé et l’art. De l’histoire de la sécurité sociale aux menaces qui pèsent sur l’Aide Médicale d’État (que l’artiste traduit par Â.M.E.), de la phobie administrative aux fermetures quasi simultanées de l’EHPAD Robert Doisneau (Paris 18e) qui accueillait Philippe et du Centre Pompidou en 2025, Florian Fouché traque les mutations sociétales qui agissent concrètement sur les corps, à l’échelle des individus et de l’imaginaire collectif.
Pour la bourse ADAGP/Bétonsalon, Florian Fouché articule sa recherche sur différents fonds de la bibliothèque Kandinsky qui lui permettent de relier institutions médicales et artistiques par le biais de l’histoire des lieux, de leurs architectures, de leurs mutations. Il s’intéressera ainsi aux fonds photographiques Véra Cardot et Pierre Joly, au fonds Paul Nelson sur les architectures d’ateliers d’artiste et d’hôpitaux, ainsi qu’à l’histoire de l’atelier de Constantin Brâncuși. Situé à l’origine impasse Ronsin à Paris, l’atelier fut détruit après la mort de l’artiste afin d’y accueillir une aile supplémentaire de l’hôpital Necker Enfants malades avant d’être reconstitué à son emplacement actuel, en face du Centre Pompidou, par Renzo Piano en 1997. En se penchant sur les correspondances épistolaires de Brâncuși et les photographies de son lieu de travail, Florian Fouché s’attachera à « identifier des spectres d’enfants soigné·es et de soignant·es » ayant pu habiter de manière souterraine et anticipée l’atelier et les œuvres du sculpteur.
Dans une autre perspective, Florian Fouché orientera sa recherche autour de la « fonction oblique », un concept développé en 1963 par Claude Parent (en collaboration avec Paul Virilio), qui défie l’orthogonalité de l’urbanisme par un nouveau rapport au plan incliné basé sur une dynamique du déséquilibre. Une fonction à laquelle fait écho dans une dimension fonctionnelle, la rampe d’accès PMR (Personne à Mobilité Réduite). Cette analyse se concentrera sur des documents du fonds Parent, relatifs à ses projets architecturaux comme aux praticables de théâtre, aménagements d’hôpitaux et de centrales nucléaires, ainsi qu’à l’usage dérivé de cette « fonction » proposé par Nicole Parent avec la méthode de « gymnastique à vivre » aussi connue sous le terme de « l’inclipan ». Florian Fouché développera un scénario pour une série de vidéos où des acteur·ices expérimenteront la « défonctionnalisation » d’une rampe PMR et sa transformation en praticable de théâtre public urbain : la « rampe Pèremère ». L’ensemble de ces recherches donnera lieu à une nouvelle actualisation du projet SÉCURITÉ SOCIALE PRÉLUDE lors d’une exposition à Bétonsalon en 2025.
Copier-coller – Résidence Art pour Grandir Manon Michèle
septembre 2024 — juin 2025
À quel monde rêver en devenant grand.es ? Comment y rêver ensemble ? Comment l’écrire ?
Le projet « Copier-Coller » invite les collégien·nes de l’établissement Thomas Mann à se saisir du monde immédiat et connu pour mieux s’en défaire, le découpant, le déchirant, recollant certains morceaux.
En initiant les collégien·nes aux notions d’originalité, de cut-up et de pseudonyme en littérature, ainsi qu’à la technique du sample en musique, l’artiste invite à reconsidérer la façon dont on se perçoit, soi-même et les autres, soi-même en regard des autres. Proposant d’imaginer que chacun·e est constitué·e d’une somme d’influences qui lui est propre, le projet invite à s’inspirer de figures proches ou lointaines pour affirmer sa propre spécificité, en même temps que relativiser ses différences. Portant une voix plurielle et composite, les jeunes développeront – à travers des ateliers d’écriture suivis d’expérimentations sonores et vocales – un univers peuplé des versions rêvées d’elleux-mêmes, où tout est à ré-inventer collectivement. En définissant les paramètres de cet écosystème tels que leurs alter-egos puissent s’y épanouir pleinement, iels projeterons une réalité déterminée par leur désirs, et non l’inverse.
Pour ce projet, l’artiste Manon Michèle invite le musicien et producteur Emilien Point Afana à contribuer à la fabrication de ce monde textuel et sonore.
Présents épais – Résidence d’écriture recherche-création en Art & Science Phœbe Hadjimarkos Clarke
2024 — 2025
Pour la résidence Présents épais, Phœbe Hadjimarkos Clarke mènera un projet d’écriture autour des incendies, en tressant différents fils narratifs, poétiques, politiques et théoriques – en les superposant, en les opposant, en les entremêlant.
Le point de départ de cette exploration est la grand-mère de l’autrice, Clara, firewatch dans l’Ouest étasunien au cours des années 1940 et 1950.
Postée plusieurs mois seule au sommet d’une montagne, elle devait repérer et signaler les départs de feu, qui devaient tous être impérativement éteints avant le lendemain à 10h, selon la politique anti-feu en vigueur à l’époque. Subsistent de cette période quelques photographies, des souvenirs racontés, des textes épars, un imaginaire hautement littéraire, mais très masculin : ce type de poste a été occupé et raconté par Jack Kerouac et Gary Snyder par exemple.
Serpentant tout au long de sa vie entre rejet des normes de genre et conformisme, la figure de Clara interroge le rapport (genré) à la nature, au feu (du wildfire à l’âtre domestique), et à la rencontre des deux (faut-il éradiquer tout départ d’incendie ou apprendre à vivre avec le feu ?). Une chose est sûre, pour romantique qu’iels soient, les firewatch et la politique du « zéro incendie » au sein de laquelle iels ont œuvré au cours du xxe siècle, en laissant s’accumuler la matière organique et en contrevenant au fonctionnement écosystémique de la région, ont profondément contribué à la situation actuelle dans l’Ouest étasunien, avec des saisons du feu qui durent désormais toute l’année et des « mégafeux » qui ravagent des millions d’hectares, polluant durablement l’eau et l’air ; à la fois conséquence et cause du réchauffement climatique.
Car les forêts de cette région, peuplées de pins Ponderosa et Douglas, se sont en réalité développées avec des feux naturels de basse intensité mais aussi des feux dirigés allumés par les natif·ves américain·es, qui assainissaient régulièrement les forêts et qui leur permettaient de prospérer tout en évitant des incendies trop violents¹. En effet, ces espèces de pins, si les spécimens sont assez âgés, peuvent résister aux flammes qui nettoient les sous-bois.
C’est donc à la fois l’écosystème mais aussi un certain rapport à la forêt et une écoute du vivant² qui ont été bouleversés par les logiques coloniales et la politique du « zéro incendie » qui en découle, et qui se prolongent toutes deux dans le présent.
L’ambivalence de cette histoire, mais plus largement des feux, nourrira l’écriture d’un texte qui mettra en scène plusieurs enquêtes, dont les tentacules se mêleront dans des temps épais comme de la poix :
· Une enquête autobiographique : une tentative de reconstituer l’expérience de Clara au sommet des montagnes et de la replacer dans sa biographie avec un période d’enquête de terrain dans les forêts d’Oregon ;
· Une enquête scientifique : un état des lieux de la recherche actuelle pour comprendre les dynamiques, les causes et les conséquences des feux de forêt aujourd’hui, qui viendra particulièrement se nourrir des rencontres avec les chercheur·ses du Centre des politiques de la terre. Comment vivre avec le feu, à la fois omniprésent dans nos imaginaires mais absent de nos vies quotidiennes nourries par des feux fossiles venus du temps profond, qui consument invisiblement les ressources de la planète et son habitabilité
· Une enquête fictive : un dernier pan du texte imaginera la découverte d’une communauté secrète pyromane, qui vit un feu utopique, heureux et radical, un feu au cœur de la vie.
En superposant les faits, les temps et la fiction, ce récit cherchera à révéler la complexité de notre époque, celle du Pyrocène³.
À venir
Magnetic Residencies #3 Racheal Crowther
mars — avril 2025
Le comité artistique de Magnetic Residencies s’est réuni le 24 septembre 2024 et a choisi l’artiste Racheal Crowther comme lauréate de la résidence à Bétonsalon pour la 3ème édition de ce programme.
Bétonsalon accueillera Racheal Crowther en résidence pendant 2 mois, de mars à avril 2025. Elle recevra une bourse de 2500 € par mois, bénéficiera d’un logement situé au Centre international d’échanges des Récollets, et d’un espace de travail ainsi que d’un soutien curatorial assuré par l’équipe de Bétonsalon ainsi que d’une mise en réseau avec des professionnel·les de l’art pour le développement de ses recherches.
Le projet de résidence
Racheal Crowther s’intéresse aux biopolitiques qui régissent les espaces publics et privés que nous habitons, et qui en constituent des limites physiques et psychologiques. Elle explore les constructions sociales qui prévalent aux fonctions matérielles de ces espaces, en s’inspirant des environnements sociaux, commerciaux et institutionnels dans lesquels elle a elle-même évolué.
Dans son essai The Eternal Pursuit of the Unattainable (Montez Press, 2024), Racheal Crowther s’intéresse aux différents usages et représentations du parfum, du poison à la contrefaçon, ainsi qu’à son pouvoir d’influence sur la psychologie des consommateur·rices. Elle démontre comment leur commercialisation exploite l’aspiration humaine pour ce qui dépasse l’ordinaire et explore les enjeux liés au niveau socio-économique qui conditionne leur accès, à l’expression des identités de genre qui les sous-tendent ainsi qu’à l’histoire de l’acquisition des matériaux olfactifs.
Pendant sa résidence à Bétonsalon, elle souhaite approfondir ses recherches sur les matériaux olfactifs en étudiant la manière dont les odeurs sont utilisées pour infléchir l’humeur et le comportement, à partir des études de l’ISIPCA (Institut Supérieur International du Parfum, de la Cosmétique et de l’Aromatique alimentaire) et des archives olfactives de l’Osmothèque de Versailles, le plus grand conservatoire de parfums au monde.